Le samedi 10 janvier à 15 heures au CEAAC, 7 rue de l’Abreuvoir à Strasbourg, en compagnie de Gérald Wagner, venez faire la connaissance d’Ernesto.
Une exposition avec des oeuvres de : David Douard, Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, Ana Jotta, Guillaume Leblon, Benoît Maire, Nicolás Paris, Dominique Petitgand
Que la connaissance c’était aussi le vent, aussi bien celui qui s’engouffrait dans l’autoroute que celui qui traversait l’esprit.
Marguerite Duras, La Pluie d’été, P.O.L, 1990
Ernesto est un personnage de fiction imaginé par Marguerite Duras et par ses lecteurs.
Un enfant sans âge qui décide de ne pas retourner à l’école parce qu’à l’école, on lui apprend « des choses qu’il ne sait pas ».
Marguerite Duras dit « Ernesto dit en quelque sorte, on m’apprend le savoir mais pas la connaissance. Ou bien, on m’apprend des choses qu’il ne m’intéresse pas de savoir. Autrement dit : on ne me laisse pas apprendre à ne pas apprendre, à me servir de moi-même. »
Ernesto a fait l’objet chez Duras de réécritures constantes pour différents supports, questionnant sans cesse les limites et les définitions des genres qu’elle exploite.
D’abord héros d’Ah ! Ernesto, conte pour enfants accompagné d’illustrations de Bernard Bonhomme publié en 1971, Ernesto est multiple, volatil et paradoxal.
Interprété par Axel Bogousslavsky dans le film Les Enfants qu’elle tourne en 1984, Ernesto a sept ans mais en paraît quarante.
Ernesto est l’aîné des « brothers » et « sisters » d’une famille d’immigrés dans La Pluie d’été, roman qu’elle publie en 1990, dans lequel elle développe la trame narrative à Vitry-sur-Seine, le « lieu le moins littéraire que l’on puisse imaginer ».
Mis en scène à de nombreuses reprises au théâtre comme au cinéma, Ernesto s’adapte, s’illustre, s’incarne, se métamorphose, mais ne se résume pas. Ernesto est un matériau, une source d’inventions, un usage, un nuage.
Ernesto est un insecte qui rachâche dans le court-métrage de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet réalisé en 1982.
Ernesto est un jardin qui est un arbre qui est à l’angle de la rue Berlioz qui est à Vitry. Ernesto est une image de cet arbre de synthèse dont le vent n’agitera plus les branches.
Ernesto est un écran sur lequel ne se projette que le souvenir d’une pluie de printemps ou le bonheur des tristes.
Ernesto est une traduction, un passage d’un médium à un autre, d’une discipline à une autre, un prisme, un trou dans une encyclopédie de philosophie.
Ernesto est un corps absent dont ne subsiste qu’une paire de chaussures sur lesquelles poussent des fleurs artificielles.
Ernesto n’est pas un sujet, encore moins une démonstration. Ernesto est une voix. Un silence. Une parole dont on ne distingue plus le sens.
Ernesto est 150 variations d’un flocon de neige en papier, une graine qui prend la mer en bouteille, un tabouret qui veut oublier sa fonction.
Ernesto est simultanément une grande carcasse d’autoroute déserte, la poursuite du vent et la Vanité des Vanités, le manque à penser Dieu dans un monde loupé, un amour absolu, un rejet des normes et des institutions, une connaissance intuitive.
Ernesto, « c’était pas la peine ».